Dmitry Glukhovsky

Sumerki

Roman, fantastique
Publié en VF le 25 avril 2014 chez L’Atalante
Publié en VO en 2009 (« Cyмepки »)

Quand Dmitry Alexeïevitch, traducteur désargenté, insiste auprès de son agence pour obtenir un nouveau contrat, il ne se doute pas que sa vie en sera bouleversée. Le traducteur en charge du premier chapitre ne donnant plus de nouvelles, c’est un étrange texte qui lui échoit : le récit d’une expédition dans les forêts inexplorées du Yucatán au XVIe siècle, armée par le prêtre franciscain Diego de Landa. Et les chapitres lui en sont remis au compte-gouttes par un mystérieux commanditaire. Aussi, quand l’employé de l’agence est sauvagement assassiné et que les périls relatés dans le document s’immiscent dans son quotidien, Dmitry Alexeïevitch prend peur. Dans les ombres du passé, les dieux et les démons mayas se sont-ils acharnés à protéger un savoir interdit ? À moins, bien entendu, que le manuscrit espagnol ne lui ait fait perdre la raison. Alors que le monde autour de lui est ravagé par des ouragans, des séismes et des tsunamis, le temps est compté pour découvrir la vérité.

Dans le roman russe intitulé Sumerki = Crépuscule, le traducteur moscovite sans le sou Dmitry Alexeiëvitch, Gary Stu de l’auteur Dmitry Glukhovsky, trouve la poule aux œufs d’or en travaillant sur un manuscrit relatant une expédition conquistadores au Yucatan… Alors qu’il trouve le récit plus réaliste que la réalité qui l’entoure, les événements étranges se multiplient dans son entourage et il trouve une relation entre la disparition de la civilisation maya et les catastrophes naturelles qui semblent se multiplier dans le monde entier…
– il y a un côté thriller avec la disparition du prédécesseur du traducteur, l’assassinat de son employeur, le massacre de sa voisine de pallier et cette secte millénariste tout autant mystérieuse que meurtrière… Mais le narrateur obnubilé par son manuscrit espagnol en a rien foutre, et l’auteur obnubilé par son message métaphysique en a rien foutre !
– il y a un côté fantastique avec le golem, l’homme-jaguar, la magie des miroirs et ce mystérieux nécromant marionnettiste… Mais le narrateur obnubilé par son manuscrit espagnol en a rien foutre, et l’auteur obnubilé par son message métaphysique en a rien foutre !

Le récit dans le récit se suffit à lui-même (et c’est assez mauvais signe quand récit dans le récit est vachement plus intéressant que le récit lui-même), mais l’auteur se lance dans l’explication de texte…
ATTENTION SPOILERS Entre Les Sentinelles de Sergueï Loukianenko et Matrix des frères/sœurs Wachowski, on bascule dans le fantastique onirique et les théories solipsistes WTFesques pour nous délivrer une 2e fois le message métaphysique de l’auteur, et puis comme si cela ne suffisait pas l’auteur nous délivre une 3e fois son message métaphysique avec son narrateur qui monte sur les toits pour attendre la fin du monde ou le commencement d’un nouveau monde… FIN SPOILERS

– Qu’y a-t-il de pire et de plus éprouvant que l’espoir ?

On commence comme dans Le Locataire de Roman Polanski (adapté du livre de Roland Topor), et on finit comme dans The Fountain de Darren Aronofsky… Tout cela aurait pu tenir dans une nouvelle de 50 pages, un peu à l’image de Le Horla de Guy de Maupassant, et cela aurait été très bien ainsi, mais entre « postmodernisme » et « réalisme magique » l’auteur meuble avec des pages et des pages de critiques de la société russe en particulier et de l’humanité en général : les prolétaires sont des teubés abrutis par la télé, les classes moyennes sont des teubés abrutis par le consumérisme, les classes aisés sont des teubés abrutis par la multiplicité des soirées bien arrosées… Mais le narrateur / l’auteur a lui bien digéré les classiques d’Alexandre Pouchkine, Nicolas Gogol, Fiodor Dostoïevski, Anton Tchekhov, Maxime Gorki… et lui sait La Vérité sur la vie, la mort et la réalité…
Au début c’est rigolo, mais passé un cap c’est pour moi devenu insupportable (hommage à Tatooa, elle sait pourquoi) : les révélations métaphysiques amenées par un gros blasé antipathique et dédaigneux qui se croit supérieur à tout le monde je m’en bats les steaks… D’ailleurs en quoi le fait de se goberger de considérations philosophiques et intellos qui tournent en rond le rend-il meilleur que les autres ??? (et à chaque fois qu’on flirte avec le fantastique le narrateur est soit fiévreux, soit entre rêve et sommeil, soit sous l’emprise de puissants cachetons : c’est un peu facile, vu que ça évite à l’auteur d’être cohérent puisqu’il utilise l’alibi de la folie)
De bout en bout le narrateur se gargarise de sa médiocrité qu’il prend pour de la supériorité : il est clairement antipathique et le summum est atteint quand les Moscovites se soutiennent les uns les autres après le séisme qui a ravagé la capitale alors que le narrateur nous explique que si les gens meurent, et bien c’est que leur heure était venue et puis c’est tout et qu’ils n’ont qu’à crever bien gentiment et puis c’est tout… (Alors que dans le même temps, il se précipite pour obtenir sa dose de littéralité au lieu d’aider une petite fille agonisant sous les décombres… connard va !)
OK on est dans la désespérance voire le nihilisme, mais de là à se foutre de tout et de tout le monde c’est fort de café !

C’est peut-être un bon livre parce qu’il est bien écrit, surtout pour ceux qui aiment les livres à ambitions métaphysiques, mais j’ai clairement l’impression d’avoir pris la bibliographie de l’auteur par le mauvais bout : j’aurais bien envie de lui donner une 2e chance, mais là je ne suis pas particulièrement motivé pour le faire après cette lecture somme toute désagréable… Car nous sommes peut-être dans un roman célinien, brillant sur la forme, inutile, ennuyeux ou insupportable sur le fond : je / moi / le mien, tous les autres sont des cons et après moi le déluge !

PS : dans un nanar ou une Série B les grosses incohérences ça passe, mais dans une œuvre qui se veut vachement sérieuse elles se voient comme le nez au milieu de la figure : non un séisme de magnitude 4 à 5 sur l’échelle de Richter ne peut pas détruire une ville moderne, non un tsunami ne peut pas ravager Taïwan et épargner la Chine continentale, non après une catastrophe sismique on ne peut pas avoir l’eau et le gaz mais pas l’électricité car on a plus rien du tout en fait… Soupir…

note : 4/10

Alfaric

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